Débat : Documenter la violence [Activité d'approfondissement]
Dans cette activité d’approfondissement, vous animerez une discussion sur l’utilisation des téléphones mobiles pour documenter des violences et de quelle manière ceci peut perpétuer les violences. Dans cet exercice, vous pourrez discuter de cas particuliers de médias activistes/militants qui souhaitaient dénoncer et mettre fin à des violences en les documentant (enregistrer, filmer, photographier), mais qui ont eu pour conséquences de reproduire les violences.
Les participant·e·s pourront parler de leurs façons d’utiliser les téléphones pour documenter des violences. Iels pourront débattre et discuter des conséquences de la publication de ces images en ligne.
Objectif d’apprentissage
- comprendre la sécurité mobile, en considérant les téléphones mobiles comme nos outils de communications personnelles, privées, publiques et militantes
À qui s’adresse cette activité ?
Les groupes qui utilisent ou qui songent à utiliser leurs téléphones mobiles pour documenter des violences.
Temps requis
Environ 60 minutes.
Matériel
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Des études de cas imprimées ou des liens vers des études de cas.
Mécanique
En grand groupe - 10 minutes
Demandez aux participant·e·s de parler de leurs expériences d’utilisation des téléphones mobiles pour documenter des violences.
Conseil care et bien-être : Les gens vont donner des exemples qui pourraient les bouleverser ainsi que d’autres personnes du groupe. Prenez le temps de mentionner les ententes communes de votre atelier en matière de discussions portant sur la violence. Vous pourriez prendre un moment pour avertir que des actes de violence seront mentionnés pendant cet exercice. Rappelez à tout le monde d’écouter leurs limites quand iels racontent leur histoire ou leurs exemples. Invitez-les à prendre soin d’elleux-mêmes quand iels se sentent bouleversé·e·s et à arrêter de parler quand iels en ressentent le besoin.
Questions pour le groupe:
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Est-ce que le fait de filmer/enregistrer/photographier des violences – et de publier ces images ou enregistrements – a déjà eu des impacts positifs sur votre communauté ? Sur votre travail ? Sur vos luttes de défense de droits ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
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Qu’est-ce que vous documentiez ?
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Que s’est-il passé ?
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Comment avez-vous publié ces preuves (audios, vidéos, photos) ?
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Avec qui les avez-vous partagées ? Comment aviez-vous choisi ces personnes ?
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Quelle fut leur réponse ?
Conseil pour l’animation : Vous pourriez préparer des exemples récents de mouvements locaux ayant utilisé des téléphones pour documenter des violences. Demandez aux participant·e·s de parler de leurs expériences en ce sens. Exemples : documenter (filmer, enregistrer, photographier) les violences de l’État, transférer des vidéos d’actes de violence, diffuser en direct des violences, les risques qui viennent avec le fait de posséder ce genre d’images, etc.
Vous trouverez des exemples dans la section Ressources supplémentaires plus bas. Vous pouvez utiliser ces exemples de cas pour la prochaine étape de l’activité qui est le travail en petits groupes. Vous pouvez aussi choisir d’autres cas qui vous semblent plus appropriés et plus récents pour votre groupe.
Expliquez que le but de l’activité est de créer un espace de débats et de discussions sur cet enjeu.
Études de cas en petits groupes - 20 minutes
Donnez un scénario à chaque petit groupe pour qu’iels le lisent et en discutent. Vous trouverez les scénarios un peu plus bas. Vous pouvez les modifier, en écrire ou en choisir d’autres plus appropriés pour votre groupe.
Questions pour les discussions en petits groupes :
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Dans ce scénario, comment utilise-t-on les téléphones mobiles pour documenter la violence ?
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Par rapport à ce scénario, donnez des arguments en faveur de l’utilisation des téléphones pour documenter la violence.
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Par rapport à ce scénario, donnez des arguments contre l’utilisation des téléphones pour documenter la violence.
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Dans cet exemple, de quelles façons pourrait-on réduire les conséquences négatives de l’utilisation des téléphones pour filmer/enregistrer/documenter des violences ?
Les scénarios
Les scénarios suivants pourront vous inspirer dans l’écriture de vos propres scénarios adaptés à vos participant·e·s. Écrivez-en plus qu’un, car cela vous permettra d’aborder plusieurs enjeux avec votre groupe. Les exemples suivants sont conçus pour déclencher des discussions reliant l’usage des téléphones mobiles (pour documenter des violences) aux mouvements sociaux, au consentement, aux conséquences possibles et à la reproduction de la violence.
Scénario 1
Votre communauté et vous faites face à du harcèlement et des violences. Avec d’autres personnes, vous vous organisez pour filmer des actes de violence et pour ensuite publier les vidéos sur les réseaux sociaux. Vous y ajoutez des sous-titres et du texte qui explique la situation et le contexte de violences. Dans votre publication, vous ajoutez aussi la liste des revendications de votre communauté ainsi que des ressources pouvant soutenir les personnes victimes de ces violences.
Scénario 2
Vous êtes témoin d’un acte de violence dans la rue et vous commencez à le diffuser en direct sur votre compte Facebook. Vous avez des milliers d’abonné·e·s sur votre compte. Vous ne connaissez pas la personne que vous filmez et vous ne connaissez pas le contexte.
Scénario 3
Depuis quelque temps, vous faites partie d’un groupe qui diffuse en direct des manifestations dans le but de montrer la force de ces actions, mais aussi pour documenter les violences subies par les manifestant·e·s. Vous apprenez que vos images sont utilisées par la police et par des adversaires politiques pour cibler des manifestant·e·s. Des images sont aussi utilisées et modifiées pour créer des vidéos hostiles aux manifestant·e·s qui sont diffusées sur les réseaux sociaux.
Retour en grand groupe - 30 minutes
Ce retour en grand groupe donne l’occasion aux équipes de présenter leur étude de cas et leurs arguments. Vous animerez alors une discussion de groupe sur les défis que pose l’enregistrement par téléphone de violences et leurs diffusions en ligne. Donnez assez de temps aux équipes pour faire leur compte-rendu et pour que le reste du groupe puisse réagir.
Pour la discussion de groupe :
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Quel était votre scénario ?
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Quels étaient les arguments pour et contre l’utilisation des téléphones pour documenter des violences ?
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Cela soulève quel(s) problème(s) ? Avez-vous déjà rencontré ce(s) problème(s) ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Comment pouvez-vous agir stratégiquement pour obtenir le meilleur impact possible ? Qu’est-ce que vous pouvez faire pour réduire le plus possible les impacts négatifs ?
Pendant que les participant·e·s font leurs comptes-rendus et discutent, faites ressortir les points communs. Portez un regard attentif aux principales préoccupations de votre groupe. Vous pourriez animer une présentation ou un atelier sur ces questions plus tard. Exemples de préoccupations techniques ou stratégiques : comment documenter/enregistrer/filmer, stocker et publier ; comment vérifier l’authenticité des images/vidéos/audios (enjeu des deepfakes) ; comment la publication d’images peut inciter à la violence ; comment la diffusion ou le partage d’images violentes peuvent reproduire la violence, etc.
Ressources supplémentaires
Études de cas, articles de blog et articles journalistiques sur le sujet
Remarque : Nous vous recommandons de trouver des exemples de cas locaux ou qui seraient plus pertinents pour votre groupe. Pour mieux vous préparer, demandez en amont des exemples à vos participant·e·s ou à l’organisation qui accueille votre formation. Vous pouvez aussi trouver des articles qui questionnent le fait de diffuser en ligne des violences pour les dénoncer ou documenter.
- « Une image, mille mots et des baffes qui se perdent » : Dans cet article du collectif afroféministe Cases Rebelles, on critique le partage d’images violentes et retraumatisantes. « Qu’il s’agisse de meurtres policiers, de vieux crimes coloniaux, de guerres, de violences post-électorales, ces images concernent systématiquement des corps non-blancs à qui l’on refuse la dignité et l’intimité jusqu’au bout. » : http://www.cases-rebelles.org/une-image-mille-mots-et-des-baffes-qui-se-perdent/
« De l’usage des caméras en manifestation » : https://lundi.am/De-l-usage-des-cameras-en-manifestation
Les exemples suivants sont en anglais :
- Le Centre for Migrant Advocacy aux Philippines documente les abus subis par les travailleurs et travailleuses migrant·e·s : https://centerformigrantadvocacy.com/2016/10/26/ofw-sos/
- Étude de cas sur la diffusion en direct d’actes violents (tuerie de Christchurch) : « Les enjeux éthiques de la diffusion en direct sur internet » : https://mediaengagement.org/research/matters-of-facebook-live-or-death/
- « The world is turning against live streaming. » Article sur la tuerie de Christchurch (Nouvelle-Zélande) et comment l’Australie lutte contre la diffusion en direct de vidéos violentes non filtrées https://www.theverge.com/interface/2019/4/4/18294951/australia-live-streaming-law-facebook-twitter-periscope
- Brésil : « Dispatch from Brazil: If killed by police, guilty by default unless there's video? » https://lab.witness.org/dispatch-from-brazil-if-killed-by-police-guilty-by-default-unless-theres-video/
- Violence sur Whatsapp en Inde : « Suite aux violences en Inde et au Myanmar, Whatsapp réduira les limites de transferts pour lutter contre la diffusion de fausses nouvelles » https://www.vox.com/2018/7/19/17594156/whatsapp-limit-forwarding-fake-news-violence-india-myanmar
- Le cas du C-SPAN aux États-Unis : Des membres du Congrès américain diffusent en direct leur sit-in pour demander un vote sur la législation du contrôle des armes à feu. https://www.politico.com/story/2016/06/cspan-house-sitin-democrats-224696